Au Danemark, un glacier a rebaptisé une de ses glaces, appelée « Eskimo », parce que le nom était jugé offensant pour le peuple inuit, signifiant « mangeur de viande crue » selon l’AFP. « Il est devenu clair pour nous que les peuples estiment que le nom esquimau leur rappelle un passé d’humiliation et de traitement injuste », écrit la marque centenaire Hansens Is sur sa page Facebook. Elle ajoute : « Après mûre réflexion, nous avons décidé de donner à notre bâtonnet glacé un nouveau nom plus approprié ».
L’annonce a aussitôt été accompagnée d’un flot de réactions négatives, type « on ne peut plus rien dire », d’un côté. « On en est là », se désole une journaliste. « Où va s’arrêter la débilité ? », critique un internaute. « J’avoue ce soir mon indicible honte d’avoir mangé de l’avocat sans la moindre conscience de l’offense faite à ma personne », se moque l’avocat et chroniqueur au Figaro William Goldnadel.
D’autres personnes se sont au contraire indignées du « racisme » de l’appellation. Tout ceci est plus compliqué, comme on vous l’explique.
Une polémique ancienne
Ce n’est pas la première fois que le mot esquimaux fait polémique. Selon le linguiste spécialiste de langue inuit et chercheur à l’INALCO Marc-Antoine Mahieu, cela fait environ 20 ans que ce débat se renforce. Récemment, une équipe de hockey canadienne, Les Eskimos d’Edmonton, a annoncé qu’elle allait sans doute changer de nom, et poursuit actuellement une réflexion à ce sujet. Le très sérieux dictionnaire Merriam Webster précise d’ailleurs qu’il s’agit d’un mot « parfois offensant ».
Une des raisons invoquées est la signification perçue du mot, dont il est dit et répété, par exemple sur Wikipédia, qu’il signifie « mangeur de viande crue ». C’est ce qu’a expliqué aussi Aaja Chemnitz Larsen, une des deux députées représentant le Groenland au Parlement danois.
« Locuteur d’une langue étrangère »
« D’un point de vue scientifique il est extrêmement peu probable que ce mot veuille dire mangeur de viande crue », précise Marc-Antoine Mahieu. Selon le linguiste, l’hypothèse la plus solide vient d’un linguiste qui avait démontré que cela voulait dire « locuteur d’une langue étrangère ». Une autre hypothèse soutient que cela voudrait dire « fabricant de raquettes à neige ». Rien de forcément très offensant donc.
Une autre explication erronée vient du fait que beaucoup s’imaginent que le mot « esquimau » a été donné par le colonisateur blanc aux Inuits, de façon péjorative. Là encore, c’est faux, explique Marc-Antoine Mahieu Le terme vient des langues algonquiennes, une famille de langues parlées en Amérique du Nord par des Amérindiens installées bien avant la formation des Etats-Unis et du Canada. Autrement dit : il ne vient pas des langues indo-européennes, et pas des blancs.
Exonyme
Il n’en reste pas moins qu’on peut comprendre qu’un peuple ait envie qu’on utilise ses mots pour le désigner. Même si « esquimau » n’est pas le mot des colonisateurs, c’est un « exonyme », soit, comme le définit le Robert, un nom « employé dans une langue donnée pour désigner un lieu ou un groupe de personnes qui se dénomment autrement dans leur langue d’origine ».
Au Groenland, les Groenlandais préfèrent en général qu’on les appelle par le mot qui dans leur langue désigne des Groenlandais, soit « kalaallit », explique Marc-Antoine Mahieu (même si en Alaska ce mot a une certaine utilité pour désigner les Inuits et les peuples apparentés aux Inuits, comme les Yupiks, en évitant de tous les appeler « inuits », ajoute le chercheur). De même qu’en Laponie, les « lapons » préfèrent qu’on les désigne par le nom qu’ils se sont donné, « Samis » ou « Sâmes ». Imaginerait-on parler encore d’Indochine à la place du Vietnam ?
Un été en 1922…
Mais comment, au fait, les esquimaux se sont-ils mis à désigner des glaces ? Ici l’histoire est à aller chercher du côté de l’histoire du cinéma, et du film Nanook of the North, ou Nanouk l’Esquimau en français, de l’Etats-unien Robert Flaherty. Le film fut un succès colossal à son époque, à l’été 1922. Si bien qu’il a inspiré les marchands de glace, bien implantés dans les salles de cinéma. En Allemagne les glaces se sont appelées des « Nanouks », en France des « esquimaux ».
Si le débat est aujourd’hui très largement connu outre-atlantique, il l’est beaucoup moins dans l’Hexagone, où tout ceci parait à beaucoup un peu lointain. Et Marc-Antoine Mahieu de conclure : « Au Canada on se fait assassiner quand on parle d’esquimaux dans le débat public. En France on est un peu à la traîne. »
Author: George Porter
Last Updated: 1703242081
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